Plagiat

Si vous ne connaissez pas Jacques Loussier, demandez à notre Cha.ito national, il vous fera un plaisir de vous en parler avec force exemples. Loussier, pour la faire courte, est un jazzman qui a pas mal tourné, fait des musiques de films, du jazz sans histoire, etc. Mais là où il est le roi, c'est pour décortiquer des pièces classiques et en faire une version jazz. C'est du déjà vu, mais lui y parvient un poil mieux que Claude François reprenant Grieg1.

C'est surtout la série des Play Bach qui est connue : Bach se laisse bien dompter, parce que c'est originellement carré, facile à modeler. Par contre, plus tard, il s'essaye sur le romantique Satie, puis sur Ravel. Ca ne lui réussit pas autant. Je ne connais pas ses tentatives sur Vivaldi ni Debussy, mais il ne semble pas que ça soit des réussites absolues dans le genre non plus.

C'est dans cet état d'esprit que je tombe sur Impressions on Chopin's Nocturnes, son dernier album. Les Nocturnes de Chopin sont au romantisme (musical) ce que la Pelf est au foyer : le truc concret sans lequel on n'aurait jamais pensé au concept. Le canon. Voyons ce que le petit a fait de ça.

Dès le début, ça change avec le Loussier dont on a l'habitude : la contrebasse et la batterie sont partis, il ne reste plus que le piano. Et ça choque très vite. Ca n'est pas tellement que Loussier brode un peu, change les mélodies : finalement le thème est là, et c'est marrant de reconnaître les partitions connues, marrant mais pas choquant. Mais le rythme est tout cassé. Une nocturne - une vraie, une chopine2 - possède par définition une basse simple, qui cale le morceau. Le premier truc que fait Loussier, c'est de virer ça, et donc d'abandonner l'idée de nocturne.

Et là, il commence à s'amuser. Toute tentative de description est inutile, évidemment. Loussier surprend à tous les moments. Il nous fait un morceau de ragtime, retombe dans un blues lent, passe à des trucs jarretiens... Si vous êtes comme moi et que vous n'arrivez déjà pas à retenir les numéros des nocturnes, laissez-vous aller. Ceux qui ont du mal avec Chopin trouveront que c'est un album (de jazz? boaf) peut-être quelconque. Ceux qui feront la comparaison avec l'original seront surpris du travail d'analyse de Loussier. Et si la première écoute peut vraiment dérouter, c'est en réécoutant qu'on comprend ce que Loussier a réussi...

GLau

1 Quaaand, le matin, je vois le soleeeil, le matin... oui c'est dans Peer Gynt

2 haha

La Tartine n°32 - Répondre à cet article
La Tartine