Machiavélèves

Combien il est louable à un prince de respecter ses promesses et de vivre avec intégrité, non dans les fourberies, chacun le conçoit clairement. Cependant, l'histoire de notre temps enseigne que seuls ont accompli de grandes choses les princes qui ont fait peu de cas de leur parole et su adroitement endormir la cervelle des gens ; en fin de compte ils ont triomphé des honnêtes et des loyaux.

Ce genre de leçons est à la disposition de tout un chacun, pour autant qu'il se traîne jusqu'à une bibliothèque et soit capable d'en comprendre le sens, car Machiavel a écrit ces mots entre 1513 et 1532. Tristement, ceci signifie que depuis cinq cent ans, soit peu de gens ont appris à lire et à comprendre, soit Machiavel n'a pas connu la renommée qu'il mérite, soit enfin nous n'avons pas eu le courage suffisant de reconnaître que si nous nous comportons encore et toujours comme de bêtes asservis, c'est que c'est bien la volonté générale.

S'il vous convient d'être considéré ainsi, il n'est pas la peine de continuer cette lecture, car vous n'en retirerez rien que vous puissiez utiliser. Si vous avez encore des doutes, je me permettrai de citer quelques passages supplémentaires : Jamais un prince n'a manqué de raisons légitimes pour colorer son manque de foi. Toutefois, il est bon de dissimuler adroitement ce caractère, d'être parfait simulateur et dissimulateur. Et les hommes ont tant de simplesse, ils se plient si servilement aux nécessités du moment que le trompeur trouvera toujours quelqu'un qui se laisse tromper.

Il l'écrit mieux que moi, mais je pense que l'on peut même ajouter que le trompeur trouvera toujours la majorité pour se laisser tromper. Par peur de réagir, par peur d'être entendu, pour une réputation peut-être, vous ne dites rien. On vous impose, on vous trouve des raisons valables, vos privilèges disparaissent. Vous ne dites rien. Et pour la plupart, vous vous en foutez parce que ça ne dérange pas trop votre petite vie tranquille. Dans ce pays, c'est comme ça lorsqu'il faut se déplacer jusqu'au bureau de votes, aller dans la rue n'en parlons même pas. J'avais pensé que les gens ne réalisaient pas que cela les concernait directement.

Mais ici, comment peut-on raisonner pour ne pas se sentir concerné? Une solution facile consiste en cela : de toute façon, moi je ne vois pas pourquoi je prendrais parti pour cette petite bande d'alcooliques qui ne se bougent que quand on touche à leur alcool. Pensez-vous sincèrement que s'il n'était question que de bières, on y prendrait tant de peine? J'aimerais demander à ceux qui pensent ainsi d'accorder à ceux qui ont donné leur opinion cette semaine et qui ont tenté de manifester leur désaccord le privilège de cesser de les considérer comme une majorité d'alcooliques incapables, et de repenser à tout cela.

Le fait qu'on ne se presse pas pour vous rendre une salle piano fonctionnelle, qu'il n'y ait plus de salle fanfare ni oecuménique, que le nouveau foyer en négociations voie son budget s'amenuiser de plus en plus? et ne parlons pas des libertés qu'on y aura ! Ca ne vous inquiète pas non plus. Je n'ai entendu que les mêmes que d'habitude cette semaine, et j'ai même vu le BDE accepter facilement, trop facilement, selon le compte-rendu de leur réunion. Sachez enfin que pour imposer une décision arbitraire, selon Machiavel, [le prince] exigera que sa sentence soit irrévocable ; et il engendrera l'opinion que personne n'est en mesure de le tromper, par quelque moyen que ce soit.

Si une réunion d'informations, une assemblée générale, est organisée, viendrez-vous? Vous exprimerez-vous? Ou laisserez-vous place à l'habituelle et inerte indifférence qui assurera à l'avenir le succès de toute décision imposée?

PM & Frérot

Les citations viennent du Prince de Machiavel.

La Tartine n°35 - Répondre à cet article
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