Kung Fu

Autant l'avouer, cet article devait être une tentative de cartographie du film de kung-fu. Des précautions avaient été prises : restriction aux films chinois ou honk-kongais - pas de japonais, pas de film de samuraï (exit Baby Cart), qui soient clairement un film de combat, et même où le mot kung-fu serait prononcé. Un plan d'attaque était prévu, où les films seraient subdivisés selon l'approche de la caméra; ce découpage aurait été soutenu par une analyse des symboles les plus fréquents ainsi que l'implication du personnage dans le scénario. C'était beau, c'était presque écrit.

Ce fut un échec. Toute classification laisse toujours des cas en suspens, qui échappent à tout; on pourrait les mettre dans un coin à part, mais alors il en reste encore qui flottent, indéfinis. De Drunken Master à Hero, de La 36e chambre de Shaolin aux Cendres du temps, le cinéma de kung-fu a trop de facettes.

Donc finalement, changeons le sujet. Parlons plutôt de Wong Fei-Hung.

Wong Fei-Hung est censé descendre d'un maître de kung-fu venu de Shaolin, mais c'est probablement son côté légendaire qui ressort. Ce qui est sûr, c'est qu'il était à la fois apothicaire - peut-être vaguement médecin - et instructeur dans les casernes du Fujian. Il y acquiert sa renommée en apprenant le kung-fu à deux généraux, puis va combattre les japonais (le sport national de l'époque). Tellement populaire qu'une révolte éclate dans le pays pour demander à ce qu'il soit gouverneur du coin à la place du gouverneur. La révolte fut calmée par l'armée avec la classe dont on se doute, et Wong Fei-Hung s'exila à Canton, où il finit sa vie en tant qu'apothicaire.

Une vie assez mouvementée donc, mais pourquoi le cinéma de kung-fu a-t-il consacré plus de cent films sur le sujet? Les plus connus sont la série des Il était une fois en Chine (1 à 6 tout de même) de Tsui Hark avec Jet Li, et les Drunken Master de Yen Wo Ping avec Jackie Chan dans son meilleur rôle. Mais on note aussi de vieilles adaptations avec Gordon Liu, et même une version (Iron Monkey) où Wong est en réalité une fille...

En fait la symbolique est importante dans ce genre de sujets. Wong Fei-Hung, parfois détourné, est au milieu d'un champ de bataille. Il est chinois, et vient de la culture chinoise (sa médecine, son kung-fu) mais se rebelle à la fois contre l'extérieur (les Japonais, les Anglais qui prennent Hong-Kong) et contre son gouvernement en prenant la tête d'une révolte (qui devient régulièrement dans les films une armée, une milice, ou toute la population, mais laisse toujours le héros seul contre le méchant final). Son père, supposément un des 10 Tigres de Canton, formés par les 10 Tigres de Shaolin, lui procure une ascendance légendaire très utile. Encore plus fort : Wong est à la fois combattant-destructeur et médecin-guérisseur : il peut agir dans tous les sens, quitte à réparer ceux qu'il a tapé trop fort.

Wong Fei-Hung est donc potentiellement capable de se battre contre toutes sortes de méchants, et de faire tout le bien possible pour ses compatriotes. Le héros idéal. Pour exploiter ces possibilités, on comprend qu'il a fallu en faire un monument du cinéma de kung-fu... dire de certains, comme Il était... et Drunken Master, qu'ils sont réussis, est une évidence. Ca veut donc dire que sur le tas, il y a des énoooormes daubes à dénicher! Qu'est-ce qu'on attend?

Wan-Lo Wan

Avec l'aide de kungfucinema.com et wikipédia pour compléter la bio.

La Tartine n°49 - Répondre à cet article
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