Casse-Dalle

Ceux qui ont connu l'histoire savent toujours à quoi s'attendre. Quoique cela n'enlève rien à la surprise.

Cette année encore, l'ENS de Ker-Lann nous offre un bel exemple de motivation. Ils nous avait donné un Bouche-Touche-Mouche qui restera longtemps dans les mémoires (est-il toujours disponible sur le rezo?), ils reviennent à la charge avec cette année deux projets signés KL productions.

Une version de Cats'eyes toute bretonne qui s'est distinguée par une profusion d'effets spéciaux très ambitieux et un respect rigoureux de tous les stéréotypes du genre. On pouvait cependant sentir les quelques maladresses d'un premier jet.

L'équipe de tournage de Bouche-Touche-Mouche, déjà rôdée, a su éviter les écueils et nous ont gâtés d'un film exceptionnel. Le dialogue sépare souvent le film professionnel de l'amateur, qu'à cela ne tienne et proposons une oeuvre sans discours, sans intrigue particulière, sans aucun point d'attache. Comprendre une telle oeuvre n'est absolument pas à la portée du premier esprit analytique venu, il est impératif de laisser à l'entrée de la salle de projection toute référence cohérente, tout souci de réalisme, car en seulement six minutes, ce film nous propose la version absurde d'une non-situation, d'une non-histoire, mais cependant d'un vrai court-métrage.

Chaque plan demanderait une longue analyse et je vous épargnerai cet ennui, laissez-moi simplement préciser que chacun d'entre eux recèle une richesse incroyable de détails et seul un oeil attentif saura extraire toute l'étendue des éléments qui les constitue. La scène de l'ascenseur est particulièrement poignante. Pour les sceptiques, voici un rapide résumé:

Deux personnes à la terrasse d'un café. Gros plan sur un visage, l'agressivité est très présente, Va chercher!.

Une moue très douce, qui réfléchit et qui répond D'accord!. Et la voici qui court après cette balle numérique qui rebondit sur la surface de l'écran et derrière laquelle défile Rennes et ses pittoresques scènes de la vie quotidienne. Une deuxième balle, une deuxième série de gros plans et une deuxième course-poursuite.

Tout ceci sous la rigide quiétude du plan de l'ascenseur, visages fermés, regards vides et costumes fous. Un tableau qui ne souffre d'aucune maladresse qui tend le spectateur pendant ces longues minutes et finalement, qui résout toute cette non-intrigue dans l'apothéose d'un casse-dalle (ou casse-brique, je n'ai compris la subtilité que bien plus tard). Aussi, je me lève et je crie "KerLann à Lyon!".

Guillaume
La Tartine n°50 - Répondre à cet article
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