La fanfare - vue de dedans

Les sENS de l'art, c'est aussi un lieu de confrontation de fanfares. Il n'est pas tout à fait une heure du matin et déjà les regards se croisent, un hochement de tête et tous de se retrouver en coulisse pour les derniers instants, juste avant de monter sur le ring.

Les Petites Bourettes terminent leur dernier rappel, embarquent leur matériel et laissent la place vide. C'est au tour d'une troupe de techniciens, T-shirt noirs et gestes précis, de venir meubler l'espace un court instant et c'est à nous.

La Fanfoire, les Ponpons gueulent, la scène se remplit. Ils sont très nombreux, portent des t-shirts jaunes ou rouges et ont troqué certains de leurs violons par des trombones: bravo les gars! Nous sommes beaucoup moins nombreux, mais pas si peu que nous aurions pu le croire.

Car si seulement quatre Ponpons lyonnais se sont déplacés (il est très difficile de ne pas écrire ont fait l'effort de se déplacer... comprend qui doit), le contingent lyonnais se regonfle grâce aux anciens Ponpons, branche parisienne de notre fanfare. Des retrouvailles qui soulagent et qui gravent sur les visages un enthousiasme certain.

Mais l'éloignement, non content d'affaiblir l'intersection des répertoires de nos deux groupes lyonnais, réduit à néant le travail d'interprétation que chacune de ces deux fanfares a développé dans son coin depuis de longs mois. Mais c'est là qu'intervient le rôle salutaire des manifestations contre le CPE (entre autre). Et la rue Arago agitée par les cris et les slogans, résonnait aussi de cuivres hurlants leurs Tequilas, Bella Ciao ou Grand Cerf, sous les encouragements d'une foule de drapeaux, casquettes, sourires et poings levés.

Mais le temps nous a transportés sur la scène du grand hall de l'Ens de Cachan, et la fanfoire cachanaise hurle ses morceaux, auxquels répondent nos propres accords. Et le temps s'égraine, chaque groupe lorgne les gestes de l'autre. Tiens, la partie trombone de ce morceau ne semble pas trop difficile: j'essaye. Et ô, dieux des cuivres, quel répertoire tzigane que celui des Cachanais!

Les premiers sont descendus de scène et jouent maintenant au milieu du public, l'excitation monte et l'imbécile qui nous demande de vider les lieux pour le groupe suivant est empalé sur les coulisses des trombones, lorsque deux autres t-shirts noirs s'approchent, les euphoniums se chargent d'occire leurs intentions.

Notre bastion est solidement protégé: les grosses basses pour des fondations solides, des trombones comme autant de canons, les trompettes et leurs mitrailles, et les vigilants violons sur les miradors. Allez, lyon, nous n'avons presque plus de morceaux, il faut nous aider! Et c'est un Jésus reviens qui sonne ses accords puissants sur toute une foule en liesse que les factions de l'ordre ne peuvent maintenant plus contenir.

Lorsque résonnent une dernière fois le Grand Cerf et Brazil, le succès de l'opération est complet, les fanfares peuvent désormais crier victoire.

Mais le bus de nuit ne va pas tarder, il est temps de finir: bonne nuit.

Guillaume
La Tartine n°50 - Répondre à cet article
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