Music-Hall

13h15, la journée commence juste. Le brunch était frugal et les pizzas originales. De longues étoffes de tissus noirs courent sur les verrières du bâtiment D'Alembert mais filtrent difficilement la lumière exterieure. Il n'y a pas de rideaux, la scène est là.

Music-Hall, trois personnages: la chanteuse et ses danseurs. Lui est venu remplacer son mari. L'autre travaille ici depuis longtemps et connaît la chanson. Puisque tu m'aimes, embrasse-moi sur la lancinante plainte du lecteur de bande magnétique. Elle, sirène ardente et figure de proue du spectacle de ce soir, allonge le galbe d'un déhanchement plastique. Le temps s'avance et structure le long déroulement d'une vie de music-hall: il y'a l'avant, le pendant, l'après.

C'est un flot de paroles et de commentaires qui vient coller sa logorrhée sur cette histoire. Et nous voilà à contempler le charme, l'espoir naïf et le désenchantement que trois artistes de la scène se partagent sous les projecteurs. Et le partage s'étend sur le public et le prend à parti.

La misère d'une précarité de paillettes, d'une solitude d'après spectacle prend une teinte nouvelle et dramatique lorsqu'elle est dévoilée le sourire aux lèvres et sous l'air de La croisière s'amuse. Mais les paquebots sont des idéaux auxquels les miséreux contrats de Montargis (dans le Loiret) donnent un goût amer. Lente et désinvolte, il faut cependant supporter l'odieuse opinion des grasses manières provinciales; Il y en a toujours un qui reste à la fin, bouche bée, et qui n'attend que de nous suivre et qui découvre s'être engagé sur une voie bien moins lumineuse et excitante que cela en donnait l'impression depuis le public.

Trois acteurs, un féminin, deux masculins. Une performance à la limite de la chorégraphie et du théâtre. Il faut saluer l'extraordinaire précision du jeu et la difficulté brillamment relevée du travail de diction: une heure quarante cinq de flot verbal s'écoule sur un ensemble de détails stéréotypés mais néanmoins justes de la vie en paillettes.

Il s'agit d'un texte qui nous emmène dans les profondeurs de l'intimité de ces gens du spectacle. Et malgré certaines longueurs pour le spectateur mal reposé, la mise en scène nous plonge avec beaucoup d'intelligence dans les remous tragiques de trois pensées que la désillusion boucle sur elles-même et qui se répètent jusqu'à la frontière de la folie.

Et aussi... quel galbe...

Guillaume
La Tartine n°50 - Répondre à cet article
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