Vive la démocratie!

21h: retour de l'AG, des idées pleins la tête! (Vous m'accorderez le droit d'avoir mangé avant de me mettre à la rédaction de ce pamphlet). Et racontons ce que nous y avons vu: une assemblée qui semblait avoir belle allure dans le discours, qui s'est révélée le summum d'une l'hypocrisie toute naïve de gentillesse mais si dangereuse lorsqu'il s'agit de persuader les foules à défaut de les convaincre, de la démagogie, de la propagande pour finir dans l'apothéose formidable (rappelez-vous le sens ancien de ce mot) d'une mascarade de vote ridicule!

Vive la démocratie! Que dis-je, vive la voix du peuple! (Ou plutôt, à défaut de vox populis, panis et circenses!).

Je suis venu à l'AG, pour ne rien vous cacher, parce que j'avais entendu la vague rumeur que certains avaient l'envie de bloquer l'école contre le CPE (nous y reviendrons). Je vais placer tout de suite le décor, j'ai beau jouer le choryphée, actuellement, il y a des points qui doivent être précisés: je ne suis pas pour le CPE, en tout cas, pas dans son état actuel, mais je suis probablement encore plus contre l'attitude attardée des crétins bornés, qu'ils soient du gouvernement ou des organisations lycéennes, syndicales et autres manifestants.

Du dialogue, bon sang! Et c'est bien visiblement ce qu'il n'y a pas eu ce soir. Je passerai d'abord sur la première partie, vite expédiée au final au vu du reste: I présentation du CPE. Il est tout à fait indiqué de faire un rappel de ce que propose le CPE, à partir du moment où le susdit rappel est objectif et non orienté - je dois avouer qu'un rapport fait par un militant de LO (cela est tout à son honneur, chacun est libre de faire ce qu'il veut) n'est pas des plus objectifs à mon sens - ce qui ne fut pas le cas, puisqu'il n'a fait que rappeler deux clauses tout à fait inacceptables, mais qui, je crois (d'après mes propres lectures de la loi) ne font pas toute la loi.

Donc il serait bon de présenter le CPE objectivement, cela me paraît un bon début. Ensuite, c'est là que ça dérape à mon sens. L'AG, c'est une tribune étudiante, mais c'est pas une tribune pour présenter ce que font les mobilisés, super conscients de l'avenir funeste et qui eux seuls ont le droit de décider pour citer l'une des phrases qui m'ont paru les plus aberrantes de la soirée, ou ce que font les syndicats, uniquement. Elle se doit de présenter la situation, objective, de donner les chiffres avancés par tous les partis (personnellement, je n'ai pas entendu que 60 universités bloquées et 1,5 million de personnes dans les rues). Un effort de ce côté-ci serait souhaitable.

Mais, trêve de bavardages: intéressons-nous au fond du problème: le débat (j'ai honte à utiliser ce mot, vu la triste image que j'en ai eu). Des temps de paroles biaisés, dans un sens comme dans l'autre, étrangement probablement dû au fait que la tribune n'avait probablement pas le caractère objectif requis (i.e.: 1 contre-blocage pour 5 pro, c'est une belle représentation...) pour sa crédibilité; des personnes qui parlent plusieurs fois (étrangement d'ailleurs, encore une fois du même parti) quand d'autres n'ont pas eu la parole (j'attends toujours le micro), une salle scindée en deux, avec des pros probablement trop lobotomisés parfois pour apprécier la justesse des propos modérés de certains, de tout bord d'ailleurs, et par contre, acclamant avec emphase un sombre crétin voulant probablement faire un effet de style en annonçant qu'il verrait volontiers une proposition visant à rétablir le STO.

Oui c'était bien cela, en fait le fond du problème. Je n'ai vu nulle part une volonté de dialogue. On n'a jamais débattu du CPE. On a eu droit aux C'est mal le CPE, pasque ils nous ont enlevé des places à l'Agreg; inutile de dire que j'ai apprécié cet état de fait: les pro-blocages (visiblement, c'est toujours bien d'être au fond de la salle, on a assez vite une vue d'ensemble, par contre, pas moyen d'accrocher le micro) ont vite usé leur culotte sur 2 arguments: l'argument historico-banal (le blocage ça a marché! -certes, et dès fois ça n'a pas marché non plus...), la niaiserie historique encore (dis donc, ils sont forts les ancêtres...) teinté de provocation pour faire pleurer dans les chaumières - et le pire c'est qu'une réponse qui n'a rien n'a envié aux pires sophistes (Paulos si tu nous entends, je t'admire) reçoit pléthore d'applaudissements, les temps n'ont définitivement pas changé - et puis (ah oui désolé ca fait 3 mais j'avais oublié le deuxième) bien sûr les grands discours teintés extrême-gauche: on nous opprime, nous les pauvres occidentaux, on nous prive de nos droits les plus fondamentaux du travail, on nous pique des places à l'agreg!!! (et oui, parce que l'agreg est tout à fait liée au CPE, n'est-ce pas?).

Tout ça pour dire que le débat a tourné court, d'autant plus que les rares arguments contre blocage n'ont pas eu un grand retentissement eux non plus (et bizarrement prononcés par des voix beaucoup moins assurées, moins fortes aussi... mais bon en y réfléchissant, dire que la loi c'est la loi, c'est tendre le bâton pour se faire battre; par contre demander ce que la tribune propose en échange de CPE et obtenir un avis de non-recevoir (du type: ce n'est pas à la tribune de répondre à ce genre de question; alors pourquoi est-ce qu'elle l'ouvre des fois la tribune alors qu'on a pas franchement envie d'entendre les banalités qu'elle sort?), c'est très instructif;-))...

Bien en fait, personnellement, j'ai toujours du mal avec le sujet de l'AG qui devait débattre initialement du CPE. Voilà la vision que j'en ai eu: les méchants anti-CPE anti-blocage qui ne s'affirment pas comme la jeunesse pleine de beaux idéaux, les gentils anti-CPE pro-blocage qui ne font pas ça de gaieté de coeur mais sans donner aucun argument valable et martelant C'est symbolique les ENS qui font grève. Wep! Surtout quand le vote est fait par 5 pecos sur les 900 de l'Ecole (une approximation collégiale du fond fait plutôt état d'environ 150 personnes). On m'a répondu à cette objection: ils n'avaient qu'à être là. Certes mais si on leur avait dit qu'il y allait avoir un vote pour bloquer l'école, ils auraient peut-être rappliqué en plus grand nombre.

Nous arrivons là où je voudrais clore (j'ai été trop long je m'en excuse): la magnifique mascarade du vote qui a fini de me convaincre que tout n'était dans cette AG qu'une autocratie propagandiste à souhait: votons mes amis! Est-ce que vous êtes pour le principe de faire grève? Non, pas depuis 1864. Je passerai sur la formulation des questions, résolument tournées de manière à ce que la seule réponse possible (sous peine de passer pour un Faf) soit oui, et m'intéresserait au décompte des voix: que seuls les élèves de l'ENS Sciences lèvent la main. On y croit.

J'ai personnellement cessé de croire en une quelconque honnêteté de gens décidés à faire passer une mesure coûte que coûte (je n'ai d'ailleurs pas encore compris pourquoi la jeune personne de la tribune nous a indiqué que les votes seraient faits à la prochaine AG, et qu'on ait aussitôt enchaîné sur les susdits votes.). Je citerai pour mémoire une belle question quand même, symbole de la désorganisation (voulue?) qu'il y a pu avoir tout au long de cet interminable vaudeville: Alors que ceux qui sont pour un blocage partiel de LSH mardi de 6h à 10h puis à 10h, et un blocage total de LSH mercredi jusqu'à euh... jusqu'à la prochaine AG, lèvent la main! Et ceux qui sont contre? En étant objectif: 50/50: Vote approuvé!!!

Alors merci à vous braves gens pour ce bel exemple de démocratie étudiante, j'ai adoré vous écouter, et comme Figaro, préfère en rire de peur d'être obligé d'en pleurer. Une dernière citation qui posera mes opinions quant au blocage: Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent. (Article 27 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, 1948 et droit aussi fondamental que celui de grève comme celui de l'égalité pour tous. La connaissance est un droit, et nul ne peut empêcher un autre homme d'y avoir accès s'il le désire. Ou alors dois-je considérer que nous ne sommes plus en démocratie?

Thibaud, A1 Bio,

anti-oligarchique désabusé
La Tartine n°52 - Répondre à cet article
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